Cartes de séjour : comment ne pas y perdre des plumes et son argent…

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Aminata Pagni, juriste, spécialiste du droit des étrangers
Aminata Pagni, juriste, spécialiste du droit des étrangers

Dès l’arrivée sur le territoire marocain avec le projet d’y séjourner plus de 90 jours, la case « Carte de séjour » est primordiale à cocher. Qu’il s’agisse d’une première immatriculation ou d’un renouvellement du précieux sésame, cette procédure tant redoutée s’avère être un véritable parcours du combattant. Quels sont les différents types de titres de séjour ? Quand et comment s’y prendre pour être en règle dans le pays d’accueil ? Quelles sanctions en cas de non-respect de la réglementation marocaine en matière d’immatriculation ? Nous sommes allés à la rencontre d’Aminata Pagni, juriste, spécialiste du droit des étrangers, membre du GADEM (Groupe Antiraciste de Défense et d’Accompagnement des Etrangers et Migrants).

Attaches Plurielles : Présentez-vous à nos lecteurs

Aminata Pagni : Je suis juriste de formation avec plus de 15 ans d’expérience de travail en matière de droits humains et spécifiquement des droits humains des personnes en situation de migration et du suivi des politiques publiques en la matière. J’ai exercé et milité pendant plusieurs années dans le milieu associatif pour l’assistance et la défense des droits des étrangers au Maroc puis dans le cadre institutionnel et désormais dans la coopération internationale en Côte d’Ivoire.

Actuellement en appui technique aux programmes de protection auprès des populations migrantes vulnérables mis en œuvre par 3 consortia d’ONG internationales et nationales, je travaille en étroite collaboration avec les organisations de la société civile mais également en appui au renforcement des dynamiques avec les autres acteurs institutionnels et de la coopération.

« Entrer régulièrement au Maroc et être en situation régulière au moment de faire sa demande de titre de séjour »

J’aimerais souligner que les réponses aux questions suivantes se basent sur le guide juridique du GADEM http://gadem-guide-juridique.info/ auquel j’ai contribué et que vous trouverez en ligne. Il reprend tout le cadre juridique relatif aux étrangers. Les réponses ici sont synthétiques, je conseillerai pour plus de détails d’aller vers ce site.

A.PL. : Résider au Maroc en tant qu’étranger pose forcément la question de la carte de séjour. Quelles sont les obligations légales y afférentes ?

Pagni : Une fois l’entrée sur le territoire marocain est accordée, l’étranger (ère) qui souhaite résider au Maroc au-delà de la durée de son visa ou plus de 90 jours pour certaines nationalités dispensées du visa, doit demander un titre de séjour répondant à différents motifs. Cela suppose donc qu’il faut avant tout être entré régulièrement au Maroc et être en situation régulière au moment de faire sa demande de titre de séjour (visa encore valable, 90 jours encore en cours) et ne pas constituer une menace à l’ordre public (qui est évalué à la discrétion de l’Administration). Ces conditions sont préalables quel que soit le motif du séjour.

A.PL. : Parlez-nous des différents types de titres de séjour. Quelles conditions le demandeur devrait-il remplir pour en bénéficier ?

Pagni : Les titres de séjour sont de deux types : la carte d’immatriculation et la carte de résidence. La première est délivrée à des étrangers qui veulent résider sur le territoire pour un motif déterminé sans forcément être amenés à y rester, à savoir le titre de séjour en tant que travailleur salarié, gérant et créateur d’entreprise, étudiant, conjoint.e de Marocain.e, conjoint.e d’étranger (ère) en situation régulière (dans le cadre du regroupement familial), statut de réfugié, ou pour des soins de longue durée.

La seconde est plutôt prévue pour des étrangers ayant vocation à s’y installer définitivement. La carte de résidence peut être obtenue par l’étranger (ère) s’il justifie d’une résidence sur le territoire marocain, non interrompue d’au moins 4 années. Cette carte est délivrée pour une durée de dix ans renouvelables.

A.PL. : Le statut du demandeur de titre de séjour impacte le dossier à constituer ? Quelles sont généralement les documents demandés, que l’on soit étudiant ou travailleur ? Où et quand déposer sa demande de titre de séjour ? 

Pagni : Il existe des documents communs quel que soit le motif du titre de séjour qui sont : les formulaires à récupérer à la préfecture de police, les pages d’identité, du numéro et cachet d’entrée du passeport, le justificatif de résidence, à savoir un contrat de bail ou acte de propriété, l’extrait d’un casier judiciaire, le certificat médical, un timbre fiscal sauf pour les nationalités qui en sont dispensées (les Sénégalais, les Tunisiens et les Algériens). Il y a également les documents justifiant de moyens d’existence suffisants et des documents spécifiques justifiant le motif selon le statut.

A.PL. : Une grande partie de la population de la diaspora subsaharienne au Maroc ne dispose pas forcément de statut de travailleur ? De quelle manière cette tranche de la population pourrait bénéficier du titre de séjour sur le territoire marocain ?

Pagni : Comme indiqué plus haut, la loi reste un domaine généralement encadré et au-delà du statut de travailleur, il existe les autres motifs cités pour avoir un titre de séjour. Il est donc difficile de donner des conseils en dehors car la loi marocaine étant restrictive, elle ne prévoit aucune procédure de régularisation du séjour en dehors des campagnes exceptionnelles de 2014 et 2016 qui ont eu lieu. L’étranger en situation irrégulière au sens strict de la loi peut difficilement se régulariser individuellement.

A.PL. : Quelles sanctions pénales encourent les non-détenteurs de titre de séjour ? Quels conseils leur adressez-vous ?

Pagni : La situation administrative irrégulière est un délit passible de poursuites pénales. Les peines encourues diffèrent selon la raison de l’irrégularité de la situation et peuvent aller de l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire marocain au-delà de la durée de son visa, à l’étranger qui réside au Maroc sans être titulaire d’un titre de séjour ou si celui-ci est arrivé à expiration et qu’il n’a pas formulé, dans les délais légaux (soit quinze jours après l’expiration du titre), une demande de renouvellement. Les peines peuvent aller d’une amende de 2.000 à 30 000 DH selon l’infraction et des peines d’emprisonnement d’un à six mois.

Difficile de circonscrire les conseils surtout quand on sait que généralement c’est l’obtention des documents en amont ou justifiant du motif du séjour qui sont contraignants à rassembler. Néanmoins, je dirai spontanément qu’il faut prendre ses précautions pour formuler sa demande dans les meilleurs délais, s’adresser si possible à des structures d’orientation ou d’accompagnement juridique pour connaître la procédure selon son statut.

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