Cyrille Traoré, activiste du climat, point de contact d’AYM4COP

« Il n’est jamais trop tard pour agir, le climat est une question qui nous concerne tous »

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La question climatique est sur toutes les lèvres et à juste titre. La planète que nous laisserons aux futures générations est aujourd’hui en proie aux changements climatiques et il est de notre responsabilité à tous de la préserver. Ce combat, Cyrille Traoré le mène à son échelle, pour sensibiliser et mobiliser la jeunesse africaine autour des tables de négociation sur le climat. Il nous en parle dans cet entretien.

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Cyrille Traoré : Je suis Traoré Cyrille, jeune activiste du climat notamment sur le continent africain. Je suis Guinéen. J’ai débuté mes études supérieures aux Etats-Unis où j’ai obtenu mon Associate Degree avant d’intégrer l’Université de Columbia. Pour des raisons financières, je suis venu au Maroc pour continuer mon cursus à Al Akhawayn University d’Ifrane et ainsi terminer mon Bachelor en Relations Internationales sous la perspective africaine. Je suis présentement en Guinée où j’ai des projets en lien avec le climat mais je reviendrais au Maroc pour finir mon MBA.

A. PL. : Pourriez-vous rapidement revenir sur votre combat pour le climat ?

C.T. : Il faut savoir que le continent est l’un des plus impactés par les changements climatiques et pourtant, nous ne sommes pas les plus grands responsables. Il est important que nous puissions rappeler, surtout aux jeunes, l’importance de l’activisme pour notre continent, pour ne pas continuer à subir. Mon but est de participer à éveiller les consciences notamment chez les jeunes qui représentent plus de 60% de la population africaine. Ce sera à nous de diriger le continent dans les années à venir donc s’il y a plus de jeunes conscients de ces enjeux climatiques, cela va faciliter la démarche. Il est important et même urgent que l’on s’intéresse à ces questions pour ne pas regretter de ne pas avoir agi à temps.

A. PL. : Parlez-nous de la campagne Africa Youth Mobilisation For COP (AYM4COP) dont vous êtes le point de contact.

C.T. : AYM4COP fait partie de YOUNGO, la Constituante des Jeunes et des Enfants de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Il s’agit d’une initiative qui a vu le jour en 2022, suite à la Conférence des Parties (COP) 26 de Glasgow, parce qu’il était nécessaire d’impliquer les jeunes africains lors des COP mais aussi des autres réunions sur le climat, en Afrique et à travers le monde. Nous avions constaté que les jeunes étaient absents des négociations sur le climat alors que cette même jeunesse représente la majorité de la population africaine. Nous avons alors commencé un travail de mobilisation qui se fait notamment à travers un accompagnement via des sessions de formations et de renforcement des capacités sur les techniques de négociations en lien avec les différentes thématiques du climat. AYM4COP est composée de différents groupes de travail, (partenariats et sponsoring, recherche et formation, communication et relations publiques, etc.) pour coordonner l’ensemble des actions que nous menons. AYM4COP est également constitué d’un groupe de travail dénommé AYCAP – African Youth Climate Action Plan – un plan d’actions concret pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans les politiques publiques et l’atteinte des objectifs et des engagements pris par les gouvernements en faveur du climat. C’est un outil de pilotage du respect de ces engagements pris par les jeunes et par les gouvernements.

Il est important et même urgent que l’on s’intéresse à ces questions pour ne pas regretter de ne pas avoir agi à temps.

A. PL. : Comment parvenez-vous à mobiliser la jeunesse à l’échelle du continent autour de votre cause ?

C.T. : D’une part, nous communiquons et travaillons beaucoup via les réseaux sociaux où les personnes qui le désirent peuvent rejoindre notre initiative. Nous travaillons également avec plusieurs organisations, associations engagées pour le climat, qui sont nos relais dans chaque pays, pour déployer nos activités. A titre d’exemple, l’année dernière, lors de la conférence régionale africaine sur le climat, il y a eu une quarantaine de pays africains représentés avec des délégués avec qui nous travaillons sur les différents programmes que nous menons.

A. PL. : Vous étiez à la Semaine Africaine du Climat qui a aussi abrité le 1er Sommet Africain sur le Climat à Nairobi, quels enseignements majeurs retenez-vous de ce rendez-vous important.

C.T. : Mon constat est que certains pays africains, notamment anglophones, sont plus avancés que d’autres sur les questions climatiques. La multiplication des différentes catastrophes naturelles fait prendre conscience certains dirigeants de la nécessité de réagir. Toutefois, la plupart des pays africains n’ont pas les moyens financiers de faire face à cette problématique. Il est donc important que la jeunesse joue un rôle majeur pour permettre aux gouvernants de prendre ces sujets à bras le corps. Et pour pallier ce retard sur les pays anglophones, je suis en train de travailler à la création d’une ONG qui regrouperait la jeunesse des pays francophones, pour continuer à impacter durablement à la préservation de notre planète. 

A. PL. :  Vous êtes aussi en pleine préparation de la Conférence Locale des Jeunes sur le Climat et ce en prémices de la COP28 qui se tiendra aux Emirats Arabes Unis. Pourriez-vous revenir sur les défis que vous rencontrez ?

C.T. : La Conférence Locale des Jeunes sur le Climat (LCOY) est aussi une initiative de YOUNGO qui permet à chaque pays d’organiser une conférence au niveau local pour travailler sur les problématiques spécifiques à chaque territoire. En tant que point de contact au niveau régional et donc africain, j’ai la responsabilité d’impacter dans mon pays. Il est donc de mon devoir de me battre et de travailler dans ce sens. Je viens d’avoir l’autorisation du ministère de tutelle guinéen pour un accompagnement technique. Nous continuons à travailler avec des bailleurs de fonds et des organisations internationales pour réunir les ressources nécessaires et tenir ce rendez-vous important en marge de la prochaine COP. J’ai aussi engagé des discussions avec la Primature de la République de Guinée pour créer un cadre permanent de dialogue avec le gouvernement car il est important que nous puissions continuer à agir, à notre échelle, avec tous les acteurs concernés.

Par ailleurs, je prône la responsabilité au sein des pays africains, nous ne pouvons pas continuer à demander aux autres de faire pour nous ce que nous devrions faire pour nous-mêmes. Les défis sont importants et face à l’urgence climatique, le temps de réaction et les ressources à mobiliser ne suivent pas forcément.

A. PL. : Les Conférences des Parties s’enchaînent depuis des années et on a l’impression que les choses ne bougent pas vraiment. Qu’attendez-vous de la prochaine COP ?

C.T. : En fait, il y a effectivement beaucoup de paroles et très peu d’actes posés. Ce que j’espère de cette COP, c’est au moins le respect des engagements pris depuis l’Accord de Paris, par les pays industrialisés. Les pays les plus pollueurs doivent contribuer à hauteur de leur niveau de pollution. Mais jusqu’ici, il reste encore beaucoup à faire. Les fonds mis en place pour gérer l’adaptation aux changements sont gérés dans les pays occidentaux qui ne sont pas confrontés directement aux conséquences. J’attends de cette COP que l’on passe à l’action et qu’on mette à la disposition des pays les plus pauvres les 100 milliards de dollars promis par an dans le cadre du Fonds vert pour le climat, destinés aux pays les plus pauvres. Le chemin est encore long mais je pense que l’une des solutions serait que les pays d’Afrique s’organisent pour mettre en place un fonds au niveau continental pour répondre aux préoccupations des populations sur les problématiques climatiques.

A. PL. : Quel message souhaiteriez-vous partager avec nos lecteurs ?

C.T. : Il n’est jamais trop tard pour agir, le climat est une question qui nous concerne tous. Chacun, à son niveau, peut faire quelque chose. J’invite tout le monde à se lancer dans la bataille, par de petits gestes, par un effort de sensibilisation, pour ne pas assombrir l’avenir que nous laisserons aux prochaines générations. Je crois en notre continent, je crois en la possibilité de construire un avenir meilleur si nous dépassons des postures individualistes pour l’intérêt collectif et pour changer le narratif sur l’Afrique.

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