Après la tenue des Assemblées annuelles de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, du 9 au 15 octobre à Marrakech, auxquelles il a assisté, Abdou Souleye Diop, Managing Partner de Mazars au Maroc est revenu sur les attentes de l’Afrique. Il en a dressé trois : la restructuration des institutions de Bretton Woods, l’ajustement du prisme de développement durable incontournable dans l’octroi des financements mais également la perception du risque africain.
Les Assemblées annuelles de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International se sont tenues en terre africaine pour la deuxième fois, 50 ans après la première, à Nairobi au Kenya en 1973. Tout un symbole qui a suscité beaucoup d’attentes de la part du continent africain, des attentes qui demeurent malgré un intense lobbying.
« Les attentes sont nombreuses et le travail continue. Certains pays ont besoin de financements, de plus de moyens provenant de la Banque Mondiale et du FMI. C’était cela l’idée du débat avec le Président de la Banque Mondiale, Ajay Banga, durant lequel Mohamed Ibrahim, Président de la Fondation Mo Ibrahim, a clairement fait savoir qu’il faudrait que la Banque Mondiale revoit son mode d’action en Afrique, augmente ses capacités pour l’Afrique », souligne Abdou Souleye Diop, Managing Partner de Mazars au Maroc.
Restructurer les institutions de Bretton Woods
Adresser ce message aux institutions internationales était important aux yeux de cet expert en développement reconnu à l’échelle internationale. Abdou Souleye Diop d’être beaucoup plus précis sur les attentes du continent africain, vis-à-vis de la Banque Mondiale et du FMI. Il en fait ressortir trois : la restructuration des institutions de Bretton Woods ; la revue du prisme du développement durable dans l’octroi de financements aux pays africains et le changement de perception du risque africain.
« Premièrement, il est essentiel de restructurer les institutions de Bretton Woods qui ont été créées à une époque où l’enjeu majeur était la reconstruction de l’Europe notamment après la seconde guerre mondiale, même les allocations de DTS (Droits de Tirages Spéciaux) étaient faites sur la base des besoins de l’époque pour les pays européens. Aujourd’hui, le besoin n’est plus en Europe donc il faut que l’on revoie les allocations de DTS pour qu’elles profitent aux pays qui en ont le plus besoin », plaide Abdou Souleye Diop. Et de citer en exemple la récente pandémie de COVID-19 durant laquelle beaucoup de pays développés n’ont pas touché à leurs Droits de Tirages Spéciaux parce qu’ils n’en avaient pas besoin.
Sur le continent africain, la durabilité c’est d’abord investir dans l’économie classique pour créer des emplois.
Le développement durable adapté à l’Afrique
La deuxième attente pour l’Afrique concerne la prise en compte du développement durable dans l’attribution des financements. Pour Abdou Souleye Diop, la durabilité ne saurait être mesurée qu’à l’aune des critères des pays développés. « Quand on parle de développement durable, il faut le prendre de différentes manières. Quand on est en Europe, le développement durable rime avec les énergies vertes, une économie à bas carbone… alors que sur le continent africain, la durabilité a une autre signification. La durabilité pour nous, c’est d’abord investir dans l’économie classique pour créer de l’emploi pour les gens. La durabilité, c’est aussi de pouvoir créer des investissements à vocation d’intégration régionale parce que cela permet de créer plus de croissance et donc plus de richesse ; la durabilité, c’est d’investir dans le privé pour renforcer ce secteur et créer plus d’emplois », indique le Managing Partner de Mazars au Maroc.
Sur cette question cruciale, Abdou Souleye Diop suggère de se départir des universalismes et du dogmatisme pour adopter une approche ciblée qui tient compte des réalités des pays. « Il était donc important pour nous de dire que le développement durable est extrêmement important mais son prisme de lecture doit être différent et cette composante green doit être une fenêtre mais pas la finalité absolue de l’approche », insiste-t-il.
Une cohérence de lecture du risque africain
La troisième et dernière grande attente de l’Afrique selon Abdou Souleye Diop est la perception du risque africain qu’il juge exagérée voire incohérente : « Aujourd’hui, malheureusement, on a une analyse très biaisée du risque africain à cause d’une perception très exagérée qui fait que le coût de l’argent devient très cher pour les pays africains. On a des primes de risque qui ne sont pas adaptés ». Et d’expliquer : « On ne peut pas dire que l’Afrique est le continent où l’on a plus de possibilités de rentabilité pour le secteur privé et après dire que c’est le continent le plus risqué. À un moment, il faut que l’on ait une cohérence de lecture pour ne pas pénaliser le continent africain à cause d’une perception de risque qui n’a rien à voir avec la réalité ».
Pour Abdou Souleye Diop, Managing Partner de Mazars au Maroc, ce sont là les trois grandes attentes de l’Afrique vis-à-vis des institutions financières internationales auxquelles il faudra répondre. Il reste à voir comment les discussions vont évoluer. Il n’a pas manqué de saluer la réussite de la tenue des Assemblées annuelles de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International à Marrakech. Une réussite d’autant plus importante que, pour lui, cela permet d’avoir « une autre lecture du continent africain, de voir qu’il est résilient, qu’il se prend en charge et a la capacité de faire face à des situations comme le tremblement de terre d’Al Haouz dans la région de Marrakech que le Maroc a géré de manière souveraine et très professionnelle ».