Attaches Plurielles est allé à la rencontre d’Abdou Diop, Managing Partner Mazars au Maroc, lors des Africa Talks, tenues le 4 mai dernier à Casablanca. Il nous a parlé de ce rendez-vous important et de la dynamique des investissements entre le Maroc et le reste du continent.
Attaches Plurielles : Quelle est la genèse des Africa Talks, qui en sont, cette année, à leur 4e édition ?
Abdou Diop : La genèse de ce rendez-vous, c’est que nous avons voulu que les enjeux de l’Afrique soient discutés sur le continent, entre Africains mais également d’autres acteurs, avec l’idée qu’à chaque début d’année, nous nous réunissions avec des experts qui ont une très bonne connaissance du continent pour anticiper sur les grands enjeux, notamment ceux qui vont dicter la tendance économique, politique et sociale du continent. Nous choisissons alors des thématiques pertinentes autour desquelles nous échangeons.
Cette année, nous voyons très clairement que l’aspect politique va beaucoup jouer, avec toutes les évolutions que connaissent différentes régions que ce soit au Sahel ou au Soudan, ou la nouvelle présidence du Nigeria, les relations avec l’Europe… tout cela constitue des enjeux politiques importants. Sur le plan économique, après les deux années de COVID et aujourd’hui la crise ukrainienne, il y a également beaucoup d’enjeux.
Il n’y a pas suffisamment d’investisseurs subsahariens au Maroc et il y a un travail à faire pour en attirer le maximum.
Il y a aussi les Assemblées de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International à venir avec en toile de fond toute la problématique de refonte des institutions de Bretton Woods, de l’inflation, de l’augmentation des taux d’intérêts… L’idée est vraiment d’échanger sur ces enjeux stratégiques, apporter des visions d’experts pour que les entreprises puissent tenir compte de ces sujets et anticiper leurs impacts.
A.PL. : Vous êtes également le Président de la Commission Afrique de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). En cette qualité, quels sont les enjeux de l’Afrique subsaharienne au Maroc ?
A.D. : Pour cette année et les années à venir, c’est vraiment l’intégration régionale, c’est de voir comment assurer une complémentarité des chaînes de valeur. Il s’agira vraiment de voir comment nos entreprises peuvent travailler ensemble pour anticiper sur le développement de la ZLECAF (Ndlr : Zone de libre-échange continentale africaine) et pouvoir très clairement travailler pour des investissements où l’on aura de la complémentarité entre pays africains et ainsi renforcer le Made in Africa.
A.PL. : Quels sont les grands secteurs dans lesquels investissent les entreprises marocaines en Afrique subsaharienne ?
A.D. : Aujourd’hui, il y a ce que l’on appelle les moteurs de l’investissement et ils sont de trois natures. On a d’abord le champion OCP (Ndlr : Office Chérifien des Phosphates) avec de très gros projets notamment en Ethiopie nécessitant un investissement de plus de 3 milliards de dollars, au Nigeria ainsi que différents petits projets dans plusieurs pays. Ensuite, dans le secteur minier, Managem vient par exemple de racheter IAM Gold au Sénégal. Ils sont aussi en train d’avancer sur un certain nombre de projets en RDC et dans d’autres pays. Et le troisième moteur est, depuis quelques années, le volet industriel où on a beaucoup d’investissement que ce soit en pharmacie, dans l’agro-alimentaire, l’énergie, en particulier dans les énergies renouvelables, que ce soit en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Cameroun, en Afrique Centrale, au Ghana ou au Rwanda où investissent beaucoup d’entreprises.
Il y a une belle dynamique d’investissement marocain sur le continent. L’idée est de passer maintenant à une autre étape où on va construire de la complémentarité de chaînes de valeur avec ce qui se fait au Maroc, que ce soit au niveau de l’agriculture, du textile, de l’aéronautique, de l’automobile… pour trouver, avec d’autres pays, des moyens d’avoir de la complémentarité.
A.PL. : Quels sont les pays subsahariens qui investissent au Maroc ?
A.D. : Il n’y en a pas suffisamment et c’est un grand défi pour le Maroc. D’ailleurs, dans le cadre de la Nouvelle Charte de l’Investissement et de la structuration du ministère de l’Investissement et de l’AMDIE (Ndlr : Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations), il y a une dynamique forte pour attirer les investisseurs du continent.
Aujourd’hui, les gros investisseurs subsahariens au Maroc, ce sont les Sud-Africains comme Sanlam, Investec ainsi que d’autres acteurs. Il y a également les Nigérians avec Aliko Dangote. Ensuite, il y a quelques investissements personnels comme celui du Malgache Ylias Akbaraly qui a racheté un certain nombre d’entreprises au Maroc. Il y a également quelques acteurs sénégalais et ivoiriens qui sont en prospection et qui vont peut-être bien avancer dans les jours à venir. En résumé, il n’y a pas suffisamment d’investisseurs subsahariens au Maroc et il y a un travail à faire pour en attirer le maximum.