Centres d’appels, entre job temporaire et carrière…

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Le secteur de l’offshoring marocain s’est largement développé ces dernières années, attirant dans son sillage des milliers d’employés subsahariens dans les centres d’appels. Certains en font un job temporaire quand d’autres y font carrière. Récit…

L’offshoring marocain a créé 110.000 emplois en 2019 et réalisé un chiffre d’affaires de 13 milliards de Dirham à l’export, selon les chiffres de MEDZ, opérateur public marocain ayant pour mission de concevoir, commercialiser et gérer des zones d’activités au fort potentiel d’investissement et génératrices de richesses et d’emplois. Le secteur de l’externalisation de services était même le premier employeur du pays en 2020 et le 3e générateur de devises, selon les chiffres disponibles sur la plateforme de la Fédération Marocaine de l’Externalisation des Services. 

L’offshoring fait partie des mastodontes de l’économie marocaine et le secteur fait très souvent appel aux profils subsahariens. Se rendre à Casanearshore tôt le matin, à l’heure de la pause ou à la descente vous donnera un aperçu de la place qu’occupent les salariés subsahariens dans les centres d’appels. Ils sont majoritairement Sénégalais mais on y rencontre des Ivoiriens, des Gabonais, des Camerounais… En somme, on peut affirmer sans ambages que toute l’Afrique de l’Ouest est représentée dans le personnel des centres d’appels marocains. Qu’est-ce qui attirent les Subsahariens dans ce secteur ? Entre ceux qui choisissent d’en faire un travail temporaire et ceux qui comptent y faire carrière, nous sommes allés à leur rencontre.

En attendant mieux…

Moussa Gueye est un jeune Sénégalais arrivé au Maroc il y a deux ans. Les centres d’appels marocains comme niche pour les Subsahariens, il en a entendu parler via des amis depuis le pays. Sa licence en Droit des Affaires en poche en décembre, il débarque au Maroc deux mois plus tard pour trouver un travail. « Au pays, intégrer le marché du travail quand on est jeune diplômé n’est pas aussi évident. C’est pour cela que l’on vient tenter notre chance au Maroc pour travailler afin de nous prendre en charge et prendre en charge nos parents », nous explique-t-il. 

Au pays, intégrer le marché du travail quand on est jeune diplômé n’est pas aussi évident.

Il n’empêche, Moussa n’entend pas être un téléconseiller toute sa vie. « J’essaie de faire des économies pour aller poursuivre mes études, peut-être à l’étranger, ou lancer un projet au pays », soutient-il, tout en regrettant qu’au Sénégal le secteur de l’offshoring ne soit pas aussi développé qu’au Maroc pour que des jeunes comme lui puissent gagner leur vie en restant dans leur pays.

Evoquant le SMIC marocain (2.500 DH) qui est beaucoup plus élevé que celui du Sénégal, Wagane Faye est du même avis que Moussa Gueye : « je crois que la première motivation est d’abord l’argent parce qu’au Sénégal, si tu es nouveau dans le marché du travail, il te faut plusieurs années pour atteindre un certain niveau de salaire, ce que tu peux obtenir ici en démarrant ». Lui aussi travaille depuis deux ans comme téléconseiller et mûrit l’idée de rentrer plus tard au Sénégal « et pourquoi pas me lancer dans l’entreprenariat ».

Danielle Any Vahoua est de la Côte d’Ivoire. Arrivée, il y a deux mois, elle a déjà trouvé un poste dans un centre d’appels. « Je suis animatrice radio à la base. Je suis là pour travailler et acquérir de l’expérience avant de retourner en Côte d’Ivoire parce que travailler en centre d’appels est très enrichissante comme expérience en termes de communication et de connaissances, cela me servira dans mon expérience en radio, quand je retournerais chez moi », explique-t-elle.

Si pour Moussa, Wagane et Danielle, le travail en centres d’appels est un tremplin vers d’autres aspirations, ce n’est pas le cas de leur compatriote Bernadette Bendia, du moins pour l’heure. Cette téléconseillère a découvert le secteur de l’offshoring au Maroc, elle qui a arrêté les études très tôt.  « Je n’avais pas de métier mais en venant, j’étais sûre de trouver quelque chose et comme j’ai la fibre commerciale, le secteur me convenait parfaitement. J’ai pu améliorer mon français en travaillant dans les centres d’appels et financièrement, je suis satisfaite de ce que je gagne. Je compte vraiment faire carrière dans le secteur d’autant que je m’y plais beaucoup », nous affirme-t-elle.

Etudes vs carrière…

Pour le Congolais de Brazzaville, Litres Ngoma, qui travaille en tant que conseiller commercial depuis un an et demi, la carrière dans l’offshoring est également une éventualité. Il a commencé à travailler dans les centres d’appels après son stage de fin d’études dans une société de distribution d’eau et d’électricité de la place. « Evidemment, il y a de belles opportunités dans les centres d’appels. Je vais essayer d’atteindre les objectifs que je me fixe et tant que cela marche, je continuerais », souligne celui qui poursuit ses études en cours du soir.

Les études, Papa Meïssa Diop les a arrêtées depuis quelques années pour continuer sa carrière dans les centres d’appels. Cela fait dix ans qu’il est dans le secteur et aujourd’hui, il est responsable d’équipe dans une structure qui vend des lignes mobiles pour le compte d’un célèbre opérateur français. 

Il est arrivé au Maroc en 2011 après son baccalauréat pour suivre la filière MIAGE (Méthodes Informatiques Appliquées à la Gestion d’Entreprise). « L’année où je devais m’inscrire en Master, mes employeurs m’ont fait une proposition de carrière qui m’a séduit. Il a fallu donc faire un choix et j’ai choisi de garder mon travail en centres d’appels », raconte Papa Meïssa.

« J’ai démarré comme téléconseiller. Aujourd’hui, je suis responsable d’équipe avec une dizaine de collaborateurs sous ma responsabilité. Je gère leur production et leurs plans de carrière également », précise ce jeune Sénégalais, qui illustre que l’on peut bien faire une carrière dans le secteur des centres d’appels.

En réalisant ce dossier, nous avons également rencontré beaucoup de subsahariens qui travaillent dans les centres d’appels et qui n’ont pas de carte de séjour. Ils sont donc dans une situation irrégulière et ne bénéficient pas de tous leurs droits en tant que travailleurs étrangers. Une problématique que nous ne manquerons pas d’aborder dans nos dossiers à venir…

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