Des étudiants subsahariens, le Maroc en forme des dizaines de milliers chaque année et ce depuis plusieurs décennies. Pourquoi le Royaume attire-t-il tant les étudiants du continent ? Nous avons essayé d’apporter des éléments de réponses.
Le Maroc est indéniablement un temple du savoir africain. Chaque année, des milliers de nouveaux bacheliers du continent viennent y poursuivre leurs études supérieures, que ce soit dans le public ou dans le privé.
Selon les derniers chiffres disponibles sur le site du ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation « au titre de l’année académique 2019-2020, plus de 25.000 étudiants internationaux poursuivaient leurs études supérieures au Maroc, dont plus de 14.500 inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur relevant des universités publiques ». Parmi ces étudiants dans les établissements publics marocains d’enseignement supérieur, 12.500 sont issus de 47 pays africains, selon l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI), une des chevilles ouvrières de la coopération académique du Royaume.
Ces chiffres ont dû augmenter au cours des dernières années, sachant que la Direction de la Coopération et du Partenariat du ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation avait octroyé en 2020 quelque « 5.000 nouvelles autorisations d’inscription au sein des établissements universitaires, au profit des étudiants internationaux issus de 76 pays partenaires ». 86% des ces autorisations étaient destinées aux étudiants africains, 12% aux étudiants asiatiques, 1% aux étudiants américains et 1% aux étudiants d’Europe et d’Océanie.
Une offre académique attrayante
Cette diplomatie académique, le Maroc l’a accentuée depuis les années 90, en mettant en place une offre destinée aux étudiants internationaux notamment africains. Elle comporte notamment des bourses, des logements universitaires, une assurance médicale, un accès à tous les établissements d’enseignement supérieur, cycles universitaires et filières d’études…
Cette offre d’enseignement supérieur attrayante doublée de bonnes conditions d’accueil font partie des atouts qui ont forgé l’attractivité du Maroc en tant que destination africaine de choix en ce qui concerne les études supérieures, aussi bien pour les bacheliers francophones, hispanophones ou anglophones.
Pourquoi les étudiants africains choisissent-ils le Maroc ? Comment évaluent-ils l’enseignement supérieur marocain ? Que leur a apporté leur cursus estudiantin dans leurs vies professionnelles actuelles ? D’anciens étudiants subsahariens ont répondu à nos questions.
Ousseine Djoubeire Irchad est issu des Comores. Il a étudié de 2006 à 2010 à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat. Depuis 8 ans, il travaille au sein des Nations Unies. Après avoir occupé le poste de Chargé de la Communication, Partenariat et Mobilisation pour le PNUD-Comores, il a rejoint la MINUSMA au Mali en tant que Team Leader du Bureau de l’Information Publique et de la Communication Stratégique dans la région de Kidal. Aujourd’hui, Irchad est Chef de cabinet du Directeur de la Force en Attente de l’Afrique de l’Est (EASF) des Nations Unies au Kenya.
Un système universitaire avec une offre variée
Boursier de l’Agence Marocaine de Coopération Internationale, Irchad avait choisi le Maroc parce que la filière journalisme et communication n’existait pas à l’Université des Comores. Pour lui, « le Maroc est en avance par rapport aux systèmes universitaires de beaucoup de pays du continent et des pays en développement (Asie comprise). Les 12 villes universitaires du Royaume en sont une parfaite illustration. De plus, la politique du Maroc en termes de coopération et d’intégration régionale facilite la mobilité estudiantine ».
Elima Diabong, elle, est Sénégalaise. Elle a fait des études en langue française à l’Université Ibn Tofail de Kenitra de 2004 à 2008. Désireuse de vivre une expérience académique dans un autre pays, elle a posé ses valises au Maroc. Une très belle expérience, d’après elle, durant laquelle elle a acquis « de bonnes connaissances dans mon domaine d’études en plus de tisser des liens avec des gens merveilleux, qu’ils soient marocains ou d’autres pays ».
Pour Elima, l’offre variée en matière de formation, la proximité et le rapprochement culturel sont autant de facteurs qui expliquent l’attractivité du Maroc auprès des étudiants africains. Forte de son savoir académique acquis en terres marocaines, Elima a continué son cheminement en France pour passer sa Maîtrise. Elle s’est installée au Canada depuis 2011 où elle est Directrice d’un organisme communautaire.
À l’instar d’Elima, Kouramoudou Magassouba, originaire de la Guinée Conakry, a porté son choix sur le Maroc, non pas parce que sa filière de prédilection n’existait pas dans son pays mais « le choix était dicté par la valeur et la portée des diplômes marocains ». Il ajoute à propos du fait que le Maroc attire beaucoup d’étudiants subsahariens : « Je pense que cela est dû à la politique d’octroi de bourses et le Maroc est une bonne destination alternative aux études en Europe ».
Ses diplômes d’Economie en poche après cinq ans passés à Rabat, Magassouba est rentré chez lui. D’abord enseignant à l’Université, il occupe ensuite le poste de Superviseur Bancaire à la Banque Centrale de Guinée avant d’être nommé Directeur Général du Fonds de Développement Agricole puis Inspecteur Général du ministère de l’Agriculture et de l’Elevage.
Des diplômes reconnus et valorisants
Ce beau parcours professionnel, Kouramoudou Magassouba le met au crédit de son parcours académique au Maroc « car les diplômes obtenus m’ont permis d’avoir de l’emploi stable dans mon pays et d’évoluer ! ».
« Là où je suis arrivé aujourd’hui professionnellement, je le dois au Maroc », lance clairement Mouslim Sidi Mohamed, Responsable des Affaires Extérieures à la Banque Mondiale. Jeune bachelier nigérien, il a débarqué au Maroc en 2004 où il a étudié à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat. Ce choix, Mouslim le justifie par la qualité de la formation qu’offre le Maroc et qu’il ne trouvait pas dans son pays, bien que la filière journalisme et communication y existe.
Alors quand on lui demande s’il conseillerait le Maroc comme destination pour les études supérieures, Mouslim Sidi Mohamed répond sans détour : « Oui, sans aucune hésitation, en particulier pour ceux qui sont dans le domaine scientifique. Aujourd’hui, ma femme se trouve au Maroc où elle fait sa spécialisation en médecine ».
Le Maroc, terre de brassage culturel africain
Etudiant en Sciences de l’Information à Rabat de 2010 à 2015 avant d’obtenir son Master en Marketing à Casablanca, Godfrey Musau a dû passer sa première année au Maroc à apprendre la langue française parce qu’il est originaire du Kenya, pays anglophone. Comme lui, ils sont plusieurs centaines à venir chaque année de pays africains lusophones, anglophones ou hispanophones.
Godfrey a connu un changement de culture et de système éducatif qui n’a pas eu raison de ses ambitions. Bien au contraire ! « Mon expérience a été extrêmement enrichissante et à bien des égards. Tout d’abord, par la qualité de l’enseignement supérieur au Maroc qui m’a permis d’acquérir des connaissances solides dans mon domaine d’études. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des étudiants venant de divers horizons, ce qui m’a ouvert l’esprit et m’a permis de mieux comprendre et apprécier la diversité culturelle. Cela a également contribué à améliorer mes compétences en communication interculturelle, ce qui est essentiel dans notre monde de plus en plus globalisé », confie Godfrey Musau, aujourd’hui Analyste en Intelligence Concurrentielle dans une institution financière panafricaine basée à Casablanca.
Ibrahima Koné est lauréat de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat d’où il est sorti avec une spécialisation dans la Communication d’Entreprise en 2008. Après quelques années comme journaliste au Maroc, il décide de rentrer dans son pays, au Mali. Il est Chargé de l’Information Publique et du Plaidoyer au Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) des Nations Unies au Mali.
« Mon séjour académique et professionnel au Maroc m’a permis de côtoyer des personnes de divers horizons et de différentes cultures. C’est au Maroc, sur les bancs de l’université, que j’ai appris à côtoyer d’autres personnes d’origines et de cultures différentes de la mienne. Mon immersion dans un milieu professionnel multiculturel a sans doute été facilitée par cette première expérience marocaine », explique Ibrahima Koné.
Une destination pour les meilleurs bacheliers du continent
Les liens historiques du Maroc avec son pays mais également la proximité géographique, le coût de la vie avec une double bourse (malienne et marocaine) font partie des facteurs ayant déterminé son choix de venir suivre les études supérieures dans le Royaume. « Les meilleurs bacheliers obtiennent des bourses pour la France et pour le Maghreb donc pour le Maroc. Je faisais partie donc de ceux qui ont été choisis pour le Maroc et je ne regrette pas d’y avoir passé presque 7 ans de ma vie », ajoute-t-il.
Sa vie estudiantine au Maroc, Bassirou Ba l’a également appréciée à plus d’un titre ainsi que sa carrière professionnelle débutée dans le journalisme puis dans un grand groupe bancaire de la place (lire son billet dans notre rubrique Chroniques).
A l’instar de Ibrahima Koné, Ousseine Djoubeire Irchad, Elima Diabong, Mouslim Sidi Mohamed, Kouramoudou Magassouba et la plupart des étudiants africains dans les établissements publics d’enseignement supérieur marocains font partie souvent des meilleurs bacheliers de leurs pays. En parallèle, le Maroc est devenu ces dernières années, une destination également prisée par les étudiants subsahariens pour l’enseignement supérieur privé.
Avec un secteur public et un secteur privé de l’enseignement supérieur tous deux attrayants, le Maroc s’est érigé en temple du savoir africain qui ne peut que profiter à la coopération sud-sud dont le Royaume est devenu un laboratoire et surtout un acteur incontournable.