Si vous êtes un auditeur assidu de 2M, vous avez certainement déjà entendu Teddy Patou présenter le journal à l’antenne ou animer une émission musicale. Aujourd’hui reconnu dans la sphère médiatique marocaine, ce jeune Camerounais a connu les affres de l’émigration clandestine dans sa précédente vie, loin d’être un long fleuve tranquille.
Il a rêvé d’Europe, le destin lui a offert le Maroc, à son grand bonheur puisque que Teddy Patou est aujourd’hui « un homme accompli professionnellement et personnellement ». Et pour cause, ce Camerounais de 40 ans est, depuis 2017, journaliste et animateur à la radio nationale marocaine 2M. « Je prépare et présente les éditions en langue française. Je présente également une émission culturelle appelée ZIK ZAP, chaque samedi de 20h à 22h », confie Teddy Patou.
Le journaliste s’est fait un nom au Maroc au point de devenir quasiment incontournable dans les événements traitant de l’Afrique dans le Royaume. Il faut dire que Teddy Patou a plusieurs cordes à son arc. À l’aise dans un studio de radio, il l’est tout autant dans l’animation d’événements culturels ou la modération de conférences, des compétences pour lesquelles, il est beaucoup sollicité.
Animateur, présentateur et modérateur
« C’est vrai qu’on peut marquer des différences entre l’animation et le journalisme, mais les deux sont complémentaires à bien des égards. J’arrive à concilier les deux parce que c’est mon boulot au quotidien à Radio 2M. Je suis quelques fois sollicité comme maître de cérémonie, présentateur événementiel et modérateur de conférence. Ce sont différentes casquettes mais qui sont en réalité liées », explique Teddy Patou.
La route de l’émigration clandestine est dangereuse et très éprouvante. Les atrocités vécues sur ce chemin infernal vous suivent à vie.
Journaliste et animateur, Teddy Patou l’est devenu en ayant traversé littéralement le désert et vécu dans la clandestinité au Maroc où il est arrivé en 2012. Parti de son Cameroun natal en 2009, en quête d’un avenir meilleur, il avait son rêve d’Europe en bandoulière et 1.500 DH dans sa poche. Il a traversé, en trois ans, le Nigeria, le Niger et l’Algérie avant d’arriver au Maroc.
« Comme beaucoup de jeunes Africains, j’ai été confronté, à un moment, à la question de mon avenir. Avec un horizon qui s’assombrissait chaque jour dans mon pays d’origine, j’ai été moi aussi porté par le rêve de trouver de l’espoir en Europe, poussé sur la route de l’exil par le marasme économique que vivait mon pays, mais aussi par la pression familiale qui, elle aussi, était confrontée au défi de la survie », soutient Teddy Patou.
Sa vie clandestine au Maroc
Cinq ans durant, il a vécu sans papier au Maroc, avant de faire partie des heureux élus de la campagne de régulation des migrants clandestins lancée par le pays. « La clandestinité a un effet psychosomatique, vous êtes confronté aux problèmes d’emploi, de logement, de santé et tout ce qui va avec. Je ne vous parle même pas du poids psychologique du mal de l’absence pour ceux qui depuis 5, 10 ou 15 ans n’ont plus revu leurs parents parce qu’impossible de voyager. La carte de séjour est un sésame. Je n’aurais pas intégré 2M, si j’étais en situation de clandestinité », relate Teddy Patou, né Patrick Kwibo Nana. Ce surnom lui a été donné par sa maman décédée alors qu’il était lui sur les routes migratoires : « Mon surnom est l’un des précieux cadeaux de ma mère. Elle m’expliquait qu’elle aimait la consonnance et qu’en adepte de l’harmonie des sons, il lui était impossible de ne pas m’appeler ainsi. J’ai décidé de garder ce nom en radio pour également pérenniser son âme, lui dire à ma façon que le rêve d’avenir qu’elle avait pour moi est désormais accompli ».
Ouadih, le grand-frère
Un rêve accompli grâce notamment à une belle rencontre avec l’écrivain et animateur vedette de la télévision marocaine 2M Ouadih Dada, alors que Teddy animait une émission sur une Web Radio à la Fondation Orient-Occident. « Ouadih avait, en toute modestie, accepté de venir chez nous parler de son livre « Imaginez si c’était vrai » et au fil de nos échanges, je découvrais un homme d’une modestie incomparable et d’un altruisme spirituel. Il m’avait bluffé par son intelligence », se souvient Teddy. Ils se sont liés d’amitié par la suite, Teddy considérant Ouadih Dada comme un grand-frère et mentor.
Il nous confie que c’est Ouadih qui lui a conseillé de postuler à Radio 2M et qui a guidé ses premiers pas dans cette station que Teddy qualifie « de grande école de journalisme ». Il y a appris les ficelles du métier aux côtés de pointures du journalisme marocain comme Sami El Jai, Fathia Elaouni, Jamaa Goulahsen… et bien sûr Ouadih Dada.
Aujourd’hui, Teddy Patou, féru de communication, de culture et de sport, est un homme heureux qui se dit chanceux d’avoir réussi à faire de sa passion sa profession. Il n’en demeure pas moins marqué par tout le chemin parcouru, par toutes les expériences vécues durant son périple de migrant.
Le devoir de vérité sur l’émigration clandestine
Face à la résurgence de l’émigration clandestine, nous lui avons posé la question de savoir quel message il aimerait lancer aux jeunes Africains qui sont tentés justement par la route migratoire. « Vous comprendrez que mon discours ne peut pas être dissuasif car je suis un ancien migrant clandestin aujourd’hui à la radio nationale marocaine. Mais, il ne faut pas que cette petite réussite occulte le chemin périlleux qui y mène. Mon devoir est de leur dire que la route de l’émigration clandestine est dangereuse et très éprouvante. Les atrocités vécues sur ce chemin infernal vous suivent à vie. Les nuits, une fois les lumières éteintes, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir cette jeune femme violée en plein désert, ce jeune garçon ayant succombé dans la gueule dévorante de cette étendue sablée ou cette jeune fille dotée d’une licence en lettres germaniques engloutie par la mer », raconte Teddy Patou comme pour chasser des démons qui le hantent encore aujourd’hui.