Le « marché sénégalais », mitoyen à l’ancienne Médina de Casablanca, est un petit coin d’Afrique à Casablanca. C’est l’endroit incontournable pour se procurer des produits venus du pays que vous soyez Sénégalais, Ivoirien, Nigérien, Camerounais…
De sénégalais, le marché n’en a que de nom ! La juste dénomination aurait été marché subsaharien et encore, car le Maroc y est également représenté. En somme, c’est un condensé du continent en quelques mètres carrés.
En ce dimanche plutôt frais du début du mois de janvier, dans ses allées étroites, les khassidas ou zikr (chants religieux musulmans) qui s’échappent habituellement des échoppes détenues par des Sénégalais se mêlent quelques notes de coupé-décalés ivoiriens. Entre deux transactions, Cheikh Gning répond à nos questions. Lui est un des premiers Sénégalais à tenir une boutique dans le marché. « C’était en 2013, il n’y avait pas la clôture ni le toit. Un ami, propriétaire de la boutique, m’avait sollicité pour que je travaille avec lui car auparavant, j’étais vendeur ambulant. Je parcourais les rues de Casablanca en essayant de vendre des téléphones et autres bijoux », déclare Cheikh, qui est resté fidèle au poste depuis.
Dans la boutique, scindée en deux parties, sont dressés des produits alimentaires venus du Sénégal et des produits cosmétiques. « Le business se porte bien. Nous avons des clients de toutes les nationalités. Sincèrement, je ne me plains pas », explique Cheikh Gning, tout en papotant avec une amie qui tient un restaurant sénégalais dans le marché.
À l’instar de tous les secteurs, le COVID-19 a eu une influence sur les affaires, même si Cheikh reconnaît que « la pandémie nous a impacté à la fois négativement et positivement car elle nous a permis d’écouler des produits qu’il nous restait en stock mais d’un autre côté, les prix ont augmenté ».
Une cohabitation parfaite
Quand on lui pose la question sur la cohabitation avec les vendeurs d’autres nationalités, cet ancien du marché répond : « Hamdoulilah, de ce côté, sincèrement tout se passe très bien. Nous n’avons jamais eu de souci ».
Mme Diaby, une Ivoirienne employée dans un salon de coiffure, ne le dément pas. « Nous avons d’excellentes relations, c’est une famille ici », indique-t-elle, assise devant son miroir dans l’attente de client. « Actuellement, il y a moins de clients avec l’hiver mais en été, on ne chôme quasiment pas », raconte la coiffeuse qui vend également des perruques confectionnées entièrement sur place.
Ndèye Aminata Touré, elle, est Sénégalaise. Assise devant sa boutique, sa petite fille sur ses jambes, elle vend des tissus aux imprimés artistiques mais également des perruques. Pour elle, les affaires marchaient mieux avant l’arrivée du COVID-19. « Il y a de moins en moins de clients et faire venir la marchandise du Sénégal coûte de plus en plus cher », nous affirme cette dame, qui détenait un salon de coiffure avant d’ouvrir sa boutique, face à la concurrence de plus en plus rude dans les salons de beauté.
Ses principaux clients pour les tissus sont les touristes et les Marocains car les Sénégalais et les autres Subsahariens font venir de leurs pays respectifs ce dont ils ont besoin via les GP (personnes vendant des kilos en trop car bénéficiant de gratuité partielle dans leurs billets d’avion).
Khalid, le kawkaw…
Aminata nous confie que c’est surtout le business de la restauration des Ivoiriens ou des Nigériens notamment qui marche bien au « marché sénégalais ».
Nous sommes frères, nous sommes tous Africains. On s’entraide.
Et ce n’est pas Khalid Siraoui, un Marocain qui tient un commerce de vêtements et de chaussures dans le marché qui dira le contraire. « J’ai découvert plusieurs plats africains ici au marché », nous dit-il quand nous venons à sa rencontre après l’avoir entendu indiquer l’enseigne de Ndèye Daro, une célèbre restauratrice sénégalaise à Casablanca, à une jeune subsaharienne.
« Nous sommes frères, nous sommes tous Africains. On s’entraide. Comme le dit un proverbe marocain : « une seule main n’applaudit pas » », nous glisse Khalid quand nous lui posons la question de la cohabitation avec ses confrères vendeurs subsahariens. « Nous sommes tous des kawkaws (des villageois en wolof, harroubi en darija) », blague-t-il quand il nous a demandé notre nationalité. Des affaires qui marchent malgré tout et une bonne entente, au « marché sénégalais », il ne manquerait plus que les lieux soient réaménagés pour plus de salubrité et d’espace dans ce petit coin d’Afrique à Casablanca.