Émigration clandestine, le cas sénégalais interroge

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Depuis quelques mois, le Sénégal connaît une résurgence de l’émigration clandestine des jeunes via la mer, avec comme destination les îles Canaries, en Espagne. Résurgence, parce qu’un tel phénomène, le Sénégal l’a connu dans la première décennie des années 2000, tout comme beaucoup de pays subsahariens. Des milliers de jeunes prenaient alors des pirogues pour l’Atlantique en quête de lendemains meilleurs dans un eldorado fantasmé qu’est l’Europe.

Déterminés à fuir un pays qui ne leur offrait pas beaucoup d’issues d’accomplissement, ils avaient un slogan en bandoulière : « Barça ou Barsakh » en wolof. Traduit, cela montre à quel point les jeunes candidats à l’émigration clandestine étaient convaincus que leur avenir ne pourrait se jouer qu’ailleurs que chez eux : « Barça ou l’enfer », littéralement ! Cela en disait long et en dit toujours long sur leur désespoir.

Les années passant, l’Europe a tiré les leçons de cette vague migratoire, décidant de délocaliser ses frontières dans les pays d’origine, de passage et de transit, avec notamment le fameux dispositif Frontex.

De cette vague migratoire de la première décennie après l’an 2000, certains ont échappé au « ventre de l’Atlantique » pour paraphraser Fatou Diome et de la Méditerranée, beaucoup, beaucoup trop y sont restés, laissant derrière eux des familles éplorées et endettées.

Bien que n’ayant pas véritablement cessé, l’émigration clandestine par la mer vers l’Espagne se poursuivait mais de manière beaucoup moins prégnante qu’avant, jusqu’à ces derniers mois. Beaucoup de jeunes Sénégalais se sont remis à prendre illégalement les pirogues pour partir en Espagne. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on ne fasse mention d’une pirogue partie du Sénégal ou de pirogues d’émigrés clandestins sénégalais à la dérive sur les côtes marocaines. Les plus chanceux d’entre eux ont pu rallier l’Espagne et beaucoup ont laissé la vie en route ou au mieux ont été secourus par les garde-côtes marocains.

La route maritime ne suffisant plus, l’Europe n’étant plus aussi attrayant pour certains, un nouvel axe migratoire s’est ouvert au Sénégal via le Nicaragua comme escale aérienne avant une tentative clandestine d’entrer en Amérique du Nord par la voie terrestre. Une route de plus parmi les nombreuses routes migratoires, beaucoup plus longue et beaucoup plus onéreuse mais cela ne suffit pas à décourager des candidats de plus en plus nombreux.

Pourquoi les jeunes perdent-ils tant foi en leur pays au point d’emprunter consciemment les routes périlleuses de l’émigration, qui plus est dans un Etat stable ? Pourquoi la politique est-elle toujours l’ascenseur social le plus rapide encore au Sénégal ? Pourquoi des jeunes sont-ils prêts à sacrifier ce qu’ils ont de plus cher, leur vie, pour aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs ? Voilà des questions posées sur la résurgence de l’émigration clandestine au Sénégal qui révèlent autant de détermination et de courage d’une jeunesse aux abois, qui, canalisés, auraient offert au pays un bel élan de développement et dans tous les domaines, pourvu que ceux qui président aux destinées du pays sachent l’orienter à bon escient.