Travailleuses domestiques, l’esprit de la loi trahi par son application

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Depuis le 10 août 2016, le Maroc s’est doté d’une législation fixant les conditions de travail et d’emploi des travailleuses et travailleurs domestiques, avec l’adoption de la loi n° 19-12. Elle encadre de prime abord le travail des domestiques marocaines mais également étrangères. Sept ans après son entrée en vigueur, les maux qu’elle était censée guérir sont toujours persistants, de l’avis d’associations comme Oxfam Maroc, l’Institution Nationale de Solidarité avec les Femmes en Détresse (INSAF), le Forum des alternatives Maroc…

Si la loi n° 19.12 a le mérite de reconnaître le travail domestique et d’en fixer les règles, en interdisant le travail des mineurs de moins de 18 ans, en exigeant un contrat de travail entre l’employeur et l’employé (e), avec une limitation des heures de travail, des congés et des indemnités, il n’en demeure pas moins trahi dans son application.

Le travail des « petites bonnes » persiste toujours et certaines en sont réduites à la maltraitance, si ce n’est à l’esclavage. « Bien sûr qu’elles sont encore exploitées, qu’elles sont nombreuses. Ce qui change, c’est qu’aujourd’hui les gens ne les croisent plus, donc on a l’impression que ce phénomène n’existe plus. Les employeurs les cachent, les empêchent de sortir, c’est une double peine pour ces fillettes qui devraient être à l’école au lieu de subir ces souffrances », expliquait dernièrement Meriem Othmani, présidente de l’association INSAF à l’hebdomadaire marocain Telquel.

Cela va sans dire que toutes ces « petites bonnes » travaillent sans contrat d’autant qu’elles sont employées de manière illégale mais le paradoxe réside surtout dans le fait que la loi n° 19.12 prévoit des sanctions dans ces cas de figure mais « les inspecteurs du travail ne sont pas autorisés à enquêter à domicile, où les abus peuvent se faire loin des regards », comme le regrettait dans Le Point, Fatima El Maghnaoui, Directrice du Centre Annajda (Centre d’aide pour femmes victimes de violence).

Malgré la législation, les travailleuses domestiques restent vulnérables et donc demeurent à la merci de leurs employeurs, que ce soit les travailleuses domestiques marocaines ou les nounous étrangères, comme l’illustre le reportage que nous avons consacré au sujet : « Nounous étrangères au Maroc, des aides ménagères en proie à la précarité ». La différence réside cependant dans le fait que les travailleuses domestiques étrangères sont majeures.

Un destin lié par une législation commune, à quelques exceptions près. Racisme, maltraitance, violences, refus d’établir un contrat, confiscation du passeport… ils sont nombreux les maux dont souffrent les nounous étrangères au Maroc. Et quand quelques rares employeurs imbus de bonne foi entament les démarches pour l’établissement d’un contrat, la procédure qui semble simplifiée à première vue car il y a un contrat type défini par la loi n° 19.12, s’avère fastidieuse quand il s’agit de fournir tous les documents demandés. Quand bien même ces documents sont fournis, l’aboutissement de l’établissement du contrat de travail bute sur des aspects qui semblent bien secondaires par rapport à l’esprit de la loi, comme le fait que l’Inspection du Travail demande absolument un justificatif d’un travail précédent pour une nounou qui vient de décrocher son premier travail et dont l’employeur tient coûte que coûte à appliquer la loi à la lettre mais se retrouve ainsi confronté à un blocage qui trahit l’essence même de la loi n°19.12. Si l’on commençait par simplifier la procédure à ceux qui sont animés par une réelle volonté d’appliquer la loi, cela encouragerait peut-être d’autres à se conformer à une législation qui d’office régit un travail qui ne saurait être exercé dans un autre cadre que celui-ci !

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