Mariama Ndiaye, Conseiller et Planificateur Financier, CEO de The UpTribe

« À l’ère de l’inflation, il est important d’être financièrement indépendant »

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La question de l’éducation financière est centrale pour une meilleure gestion de ses finances au quotidien. Pour en comprendre les contours, nous avons interrogé Mme Mariama Ndiaye, Conseiller et Planificateur Financier, fondatrice du cabinet The UpTribe, basé au Sénégal et spécialisé en la matière. Entretien.

Attaches Plurielles : Présentez-vous à nos lecteurs

Mariama Ndiaye : Je suis Mariama Ndiaye, sénégalaise de nationalité. Après l’obtention de mon baccalauréat, série G (Gestion), j’ai poursuivi mes études au Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion (CESAG) de Dakar où j’ai obtenu ma Licence et mon Master en Comptabilité et Gestion Financière. Après avoir tenté l’expérience du salariat qui ne me convenait pas et motivée par ma passion pour l’éducation financière, j’ai créé ma structure en 2019, pour répondre à la problématique du manque d’éducation financière au Sénégal. Cela me paraissait important car, malheureusement, dans nos sociétés, le sujet de l’argent reste tabou.  

A. PL. : Comment définissez-vous l’éducation financière ?

M. N. : L’éducation financière fait référence à l’ensemble des connaissances qu’une personne doit avoir pour mieux gérer ses finances qu’elles soient personnelles ou qu’elles appartiennent au couple, etc. La particularité de l’éducation financière c’est qu’elle est relative à chaque expérience de vie. Ce qui va être inculqué à un enfant sera différent de ce qui va être enseigné à un jeune adulte, un jeune cadre ou une jeune femme qui s’apprête à se marier. C’est une thématique très vaste mais l’objectif principal est d’avoir ces connaissances pour pouvoir prendre des décisions éclairées en matière de finances.

A. PL. : Selon vous, pourquoi est-ce important de s’y intéresser et par où commencer ?

M. N. : Je pense que nous avons tous à vocation de bien gagner notre vie et à être en sécurité financièrement. Il est donc important de savoir comment gérer son argent. Nous avons des besoins primaires : se nourrir, se loger, se soigner, se divertir, que l’argent nous permet de satisfaire. Il me semble donc primordial d’avoir les capacités de bien gérer la satisfaction de ces besoins, et sur le long terme, d’investir. Il est clair qu’à l’ère de l’inflation, de la récession économique que nous, consommateurs, ne maîtrisons pas, il est important de générer plusieurs sources de revenus et d’être financièrement indépendant. Ce qui permet d’avoir donc cette vision sur le long terme, pour continuer de bénéficier des avantages et du niveau de vie qu’on a, en tant qu’actif, au moment de la retraite, et par la même occasion de conserver la richesse générationnelle.

Pour ce faire, il faut se former, se renseigner, il y a de plus en plus de littérature dans ce sens et c’est déjà un très bon début pour instaurer une routine financière saine. Et si besoin, il faut se faire accompagner par des spécialistes pour vous aider à gérer vos finances personnelles, selon votre situation, vos propres besoins et les problématiques que vous rencontrez.

Beaucoup de professionnels, ici au Sénégal ou de la diaspora, sont confrontés à cette problématique liée à la culture du partage qui pousse la plupart à reverser une bonne partie de leurs revenus à leurs familles.

A. PL. : Nous évoluons dans des sociétés où l’entraide est centrale, avec particulièrement pour la diaspora, une forte contribution financière pour la famille restée au pays, ce qui ne favorise pas la création d’un patrimoine personnel. Qu’en pensez-vous ?

M. N. : Je pense qu’il est important de poser des limites. Je vois effectivement beaucoup de professionnels, ici au Sénégal ou de la diaspora, qui sont confrontés à cette problématique liée à la culture du partage qui pousse la plupart à reverser une bonne partie de leurs revenus à leurs familles. C’est une réalité, mais est-ce qu’on doit continuer à fonctionner ainsi au risque de stagner financièrement. Bien que cette pratique soit bien ancrée dans nos réalités, je pense que c’est une question de limite et d’organisation. De par mon expérience personnelle, quand j’ai commencé à travailler, j’avais une petite prime qui ne me permettait pas de donner de l’argent à mes parents, le premier acte que j’ai posé a été de communiquer avec eux pour lever toute attente ou toute incompréhension. Cette charge mentale et cette pression peuvent donc être levées par cet effort de communication. Je parle souvent, dans mes formations, de ce syndrome du « sauveur » qui veut aider et soutenir tout le monde, et des fois, bien au-delà des moyens à sa disposition, c’est ce qui empêche ou retarde un accomplissement personnel qui permettrait d’être plus à même d’apporter son soutien à autrui. C’est aussi une façon de pousser ceux qui pourraient se prendre en charge de sortir de cette forme de dépendance financière.

A. PL. : Vous êtes également très engagée dans la promotion de l’éducation financière en Afrique. Selon vous, quels mécanismes devraient être mis en place pour davantage inculquer cette culture au sein de nos sociétés ?

M. N. : Il y a de plus en plus d’acteurs mobilisés dans la promotion de l’éducation financière et qui s’activent dans un travail de plaidoyer. Je pense qu’il est nécessaire de travailler étroitement avec les politiques publiques. Les gouvernements constituent des partenaires stratégiques pour avoir le plus d’impact et atteindre les cibles concernées. Pour moi, l’éducation financière est particulièrement importante chez les femmes et les jeunes. En Afrique, les femmes sont l’épine dorsale de l’économie, elles sont, pour la plupart, génératrices et gestionnaires des finances des foyers. Idem chez les jeunes qui sont l’avenir de notre continent. Il faut donc l’engagement de tous les acteurs, des spécialistes du domaine, des organismes liés à la sensibilisation financière. Nous travaillons notamment avec l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers, au Sénégal, rattaché au Ministère des Finances, et qui accompagne toute initiative de promotion de l’éducation financière. La promotion sur les réseaux sociaux est aussi importante. À l’ère du digital, nous proposons sur nos plateformes des contenus ludiques, éducatifs de sensibilisation pour toucher un plus grand nombre de personnes. Enfin, il serait opportun, de la part de l’Etat, de mettre en place une loi, pour inscrire au programme scolaire l’éducation financière comme une matière à part entière à inculquer dès le bas âge.

A. PL. : Parlez-nous de The UpTribe et des services que vous proposez

M. N. : The UpTribe est une structure d’éducation financière dont la mission est de contribuer à l’autonomisation de nos cibles, à savoir les jeunes et les femmes, par le biais de l’éducation financière. Pour ce faire, nous déployons des programmes de formation adaptés à chaque profil. Nous proposons également des sessions d’accompagnement et de coaching pour particuliers et professionnels mais aussi pour des couples qui nous sollicitent pour la gestion du budget familial. Nous avons aussi un service de production de contenus éducatifs pour des institutions financières.

A. PL. : Votre mot de la fin

M. N. : Je voudrais conclure en invitant les pouvoirs publics à davantage prendre cette question au sérieux car notre jeunesse a besoin d’être sensibilisée à cet enjeu pour avoir un nouveau type d’Africain conscient des décisions financières qu’il doit prendre. Sur le long terme, cela peut avoir des impacts économiques considérables car une population qui a une vision éclairée en la matière et qui investit, va contribuer au développement économique de notre continent.

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