À l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, célébrée ce 7 avril et commémorant le 75e anniversaire de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), nous sommes partis à la rencontre de Dr. Micheline Soro Tiona, Médecin Spécialiste en imagerie médicale diagnostique et interventionnelle à Casablanca. Elle nous parle de son parcours, décrypte le thème de cette année « La santé pour tous » et prodiguequelques conseils à nos lecteurs pour se maintenir en bonne santé. Entretien.
Attaches Plurielles : Présentez-vous à nos lecteurs
Docteur Micheline Soro Tiona : Je suis Micheline Soro Tiona, de nationalité ivoirienne. Je suis médecin spécialisé en imagerie médicale diagnostique et interventionnelle. Je vis au Maroc depuis un peu plus d’une quinzaine d’années.
Il y a un réel besoin d’insertion culturelle, notamment en ce qui concerne les barrières linguistiques et les méfiances alimentées par les différences culturelles.
A.PL. : Parlez-nous de votre parcours académique et professionnel et du choix du Maroc ?
Dr. M. S. Tiona : Je dirai, pour être plus juste, que j’ai « été choisie » par le Maroc. En effet, après l’obtention d’un baccalauréat en série D, j’ai déposé plusieurs demandes de bourse et finalement, j’ai été retenue pour étudier la Médecine au Maroc. J’ai donc effectué des études à la Faculté de Médecine et de Pharmacie Hassan II de Casablanca où j’ai obtenu mon diplôme en Médecine Générale. J’ai, par la suite, passé et réussi le concours de spécialisation, puis j’ai suivi un cursus de formation sur 4 ans en imagerie médicale, sanctionné par un diplôme de spécialiste en radiologie. Après quelques stages effectués dans certaines structures hospitalières, j’ai signé une convention médicale avec une clinique privée dans laquelle j’exerce à temps plein depuis deux ans maintenant.
A.PL. : En tant que médecin de nationalité étrangère, comment fait-on pour exercer au Maroc et quels sont les défis du quotidien ?
Dr. M. S. Tiona : Depuis juillet 2021, le Maroc a promulgué une loi donnant accès à l’exercice de la médecine aux compétences étrangères (loi n° 33-21 modifiant et complétant la loi n° 131-13 relative à l’exercice de la médecine). Il s’agit d’un parcours administratif allant de l’équivalence du diplôme, lorsque cela est nécessaire, à l’inscription à l’Ordre National des Médecins.
Concernant les défis du quotidien, le médecin fait face à de nombreux sujets de plusieurs ordres. D’une part, l’obligation d’offrir aux patients, en tant que médecin, un niveau de prise en charge uniforme, en accord avec les recommandations de bonne pratique, les connaissances scientifiques éprouvées et récentes. Ceci nécessite bien évidemment de garder constamment un pied bien ancré dans la formation continue. De plus, après la pandémie de COVID-19, nous avons vu le paysage médical prendre complètement un nouveau tournant avec le développement de l’e-santé, de l’intelligence artificielle et de bien d’autres pratiques innovantes…. Et le Maroc n’est pas en reste.
Autre challenge de taille : le contexte socio-culturel. Il y a ici un réel besoin d’insertion culturelle, notamment en ce qui concerne les barrières linguistiques et les méfiances alimentées par les différences culturelles ; le but ultime étant d’établir avec le patient un climat de confiance. Ce n’est pas toujours aisé au quotidien mais je dirais que cela est tout à fait possible.
A.PL. : Que vous inspire le thème « La santé pour tous » de la Journée Mondiale de la Santé célébrée ce 7 avril ?
Dr. M. S. Tiona : « La santé pour tous » a pour ambition d’abolir toute stigmatisation ou discrimination, consciente ou inconsciente, en termes d’accès aux soins. C’est un projet noble qui devrait, à mon sens, susciter l’intérêt et le dévouement de toutes les strates de la société, car en effet, la santé est et demeure un droit fondamental pour l’être humain. Il s’agit de tout mettre en œuvre afin de faciliter l’accès pour tous à des soins de qualité de façon équitable, sans que soient mises en question des insuffisances d’ordre financier. Mon esprit idéaliste me pousse à rêver d’un monde où sont abolies les différences de niveau de santé entre les plus pauvres et les plus riches, entre les zones rurales et urbaines ; mais surtout que la performance de soin ne soit plus liée à la situation géographique.
Nous devons encourager les compétences de la diaspora à rentrer et à devenir acteurs du système de santé mais surtout encourager les professionnels de santé déjà sur place à y rester.
A.PL. : Quels sont, selon vous, les leviers à mettre en place au sein des pays d’Afrique subsaharienne et plus largement sur le continent pour développer une meilleure politique de santé au service de tous ? Dr. M. S. Tiona : À cette question, je répondrai avec réserve, dans la mesure où je n’ai pas encore été directement confrontée au système de soin dans nos pays d’Afrique subsaharienne. Mon opinion s’est forgée au travers d’expériences des collègues et amis exerçant au pays, de divers faits d’actualité, mais aussi et surtout de la politique mise en place par l’OMS en ce qui concerne le développement sanitaire de l’Afrique (AFR/RC50/8 Rév.1 ; 21 août 2000). Je pense que toute émergence passe par un réel changement de paradigme des décideurs, des prestataires et des communautés sur les rôles qu’ils ont à jouer respectivement. Il s’agirait aussi de réduire la dépendance du système de santé vis-à-vis de l’extérieur, notamment sur le plan financier et de gestion. Notre système de santé doit être capable de s’adapter aux besoins et à la diversité des contextes culturels et sociologiques. Nous devons encourager les compétences de la diaspora à rentrer et à devenir des acteurs de ce système mais surtout encourager les professionnels de santé déjà sur place à y rester. Pour cela, il faudrait améliorer et diversifier le plateau technique et les conditions de travail en général. Il est impératif de garder à l’esprit que la médecine a un coût et cela nécessite l’implication des acteurs du secteur de l’assurance. Promulguer divers partenariats et conventions afin de réduire l’impact des obstacles financiers. Cela passe aussi par l’éducation des communautés sur les thématiques de « médecine traditionnelle » et « médecine moderne », qui ne s’opposent pas nécessairement mais qui sont toutes deux à leur service.

A.PL. : Quels conseils pourriez-vous prodiguer à nos lecteurs pour se maintenir en bonne santé au quotidien ?
Dr. M. S. Tiona : Je dirai tout simplement que générer du « mieux-vivre » sur le long terme ne nécessite pas des privations drastiques, il s’agit tout simplement d’adopter les bons réflexes. Le leitmotiv sera : « Tout excès est nuisible ». Manger sain, varié et équilibré. Pratiquer une activité physique régulière : par exemple, préférer marcher sur une courte distance plutôt que de se déplacer en voiture, en prime c’est écologique et dans l’air du temps. S’assurer un sommeil de qualité et éviter le stress. Pour résumer, il faut être à l’écoute de son corps. N’oublions pas d’être heureux car la santé est aussi psychologique.
A.PL. : Votre mot de la fin ?
Dr. M. S. Tiona : Je souhaite que la santé soit une priorité individuelle et collective afin que nous œuvrions tous, chacun à son niveau, à construire un continent africain « fort » et apte à prendre soin de ses communautés et surtout des plus vulnérables.