A l’occasion de la Journée Mondiale du Réfugié, célébrée le 20 juin dernier, le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM) a présenté un plaidoyer juridique pour la réforme de la loi 02-03 de 2005 sur l’entrée et le séjour sur le territoire marocain. Nous en avons eu copie, en voici les principales recommandations.
Accès à la justice, difficultés de renouvellement de titre de séjour, dépénalisation de la migration irrégulière et amélioration du cadre juridique de la loi-02-03… le plaidoyer du Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM) porte principalement sur ces sujets phares de la législation sur la migration au Maroc dont il demande la réforme.
« Ce plaidoyer donne une analyse sur le contexte migratoire au Maroc et les défis imposés par le cadre juridique concernant l’entrée et le séjour au Maroc ainsi que des recommandations pouvant développer la gouvernance nationale de la question migratoire. Cela est le résultat d’un travail de terrain auprès des personnes migrantes, des représentants de la société civile, des chercheurs et des journalistes experts de la migration », précise le CCSM.
Une loi figée vs un contexte migratoire évolutif
Organisation à but non lucratif qui défend les droits des personnes migrantes et œuvre pour leur intégration, le CCSM a été créé en 2011 et reconnu officiellement en 2015, rappelle le contexte de son plaidoyer : « En effet, la loi 02-03, qui date de 2003, ne correspond plus au nouveau contexte constitutionnel au Maroc. Depuis 2011, la Constitution du Royaume édicte, dans son préambule, l’objectif de la lutte contre les discriminations. Or, aujourd’hui, la loi 02-03 ne remplit pas ce rôle. A cela s’ajoute, le changement du contexte migratoire du Maroc ».
Les personnes migrantes en situation irrégulière ont peur de se présenter devant les autorités pour faire valoir leurs droits.
Pointant du doigt les faiblesses et insuffisances de cette loi notamment dans la protection des personnes migrantes, le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc fait savoir que « les circonstances dans lesquelles la loi 02-03 a été adoptée ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Le Maroc, à cette époque, était surtout une terre de passage vers l’Europe et le contexte sécuritaire de 2003 n’a plus lieu d’être. Le Maroc est une terre d’accueil, de résidence de beaucoup de personnes migrantes qui ne cherchent plus à aller en Europe ».
Dans son plaidoyer, le CCSM a salué la mise en place d’une Stratégie Nationale de l’Immigration et de l’Asile (SNIA) en 2014 sur recommandation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Elle a permis de régulariser la situation de plusieurs personnes migrantes et de leur assurer une meilleure intégration à travers des droits en terme d’accès à l’éducation, à la santé, etc. Cependant, le CCSM regrette que la SNIA profite plus aux personnes migrantes en situation régulière, « en mettant de côté celles en situation irrégulière, qui reste un nombre conséquent ».
Dépénalisation de la migration irrégulière…
Pour remédier à cette situation, le CCSM recommande de « dépénaliser la migration irrégulière » car, dit-il, « la migration doit être plus humanisée pour permettre aux personnes en situation irrégulière de bénéficier de procédures pour être régularisées ». Ainsi, le plaidoyer souligne que « la loi doit évoluer pour faciliter les processus de régularisation avec un assouplissement des conditions ».
Menace à l’ordre public et insécurité juridique
Le CCSM recommande également une précision de la notion de « menace à l’ordre public ». « En plus de la pénalisation des personnes migrantes en situation irrégulière, il y a un autre aspect prédominant de cette loi qui nécessite des changements : menace pour l’ordre public. Cette notion se retrouve à de nombreuses reprises dans la loi 02-03 (articles 4, 14,16, 17, 21, 25, 29, 35) sans pour autant être précisée. La menace pour l’ordre public reste une notion vague, imprécise, qui laisse alors un vaste pouvoir discrétionnaire à l’administration lors de sa prise de décision. Les personnes migrantes font face à une insécurité juridique certaine », fait remarquer le Collectif.
Entre autres recommandations du CCSM : le renforcement de l’accès à la justice pour les personnes migrantes. « Il faut mettre en place un contrôle judiciaire des décisions administratives auxquelles peuvent faire face les personnes migrantes, avec en plus un dispositif d’assistance juridique comme prévu par la Stratégie Nationale de l’Immigration et de l’Asile », détaille le plaidoyer. « Vu que la migration irrégulière est pénalisée, les personnes migrantes en situation irrégulière ont peur de se présenter devant les autorités pour faire valoir leurs droits, car rien que pour déposer une plainte, il y a une exigence de carte de séjour », rappelle le CCSM.
Conditions d’obtention du titre de séjour difficiles
Le Collectif recommande également de « changer le statut des titres de séjour » car « les conditions d’obtention et de renouvellement des titres de séjour sont difficiles et doivent être facilitées ». De même, pour la carte d’immatriculation, « les personnes migrantes venant pour le renouvellement doivent bénéficier d’un assouplissement des conditions, sachant qu’ils ont déjà fourni les documents nécessaires lors de l’obtention du premier titre de séjour », suggère le CSSM.
Le plaidoyer du Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc renferme plusieurs autres recommandations ayant trait aux droits humains, à l’intégration, à l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, au logement ainsi qu’à l’assistance sociale.
Appelant à une interdiction explicite de la discrimination, du racisme et de la xénophobie dans la loi, le CSSM recommande de mettre en place des mesures efficaces de prévention et de lutte car « il est impératif que les législations nationales intègrent des dispositions spécifiques visant à garantir l’égalité de traitement pour tous, indépendamment de leur origine, de leur race ou de leur statut migratoire ».
En conclusion de son plaidoyer, le CCSM considère que la mise en place de ses recommandations permettront aux personnes migrantes de jouir de leurs droits et faciliteront leur inclusion sociale conformément à la vision de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA) et au respect des engagements internationaux du Maroc en matière de la protection des droits humains.