Système financier international

La tribune à charge de Macky Sall  

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Quelques semaines après avoir transmis le témoin à Bassirou Diomaye Faye à la tête du Sénégal, Macky Sall a enfilé sa toge d’Envoyé Spécial du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète. Dans une tribune, il a dénoncé le système financier international, actuellement défavorable aux pays en développement.

Dans une tribune intitulée « Le système financier international aggrave les inégalités », Macky Sall, ancien Président du Sénégal (2012-2024), est monté au créneau pour défendre les pays en développement.

« Lorsque je réfléchis à mes douze années passées à la tête du Sénégal, une leçon prévaut : le système financier international est défavorable aux pays en développement comme le mien. Quelle que soit la solidité de nos politiques économiques, nous sommes considérés comme un pari risqué. Notre accès aux capitaux est à la fois restreint et excessivement cher. Nos politiques fiscales et monétaires sont dictées, en fait, par des banques centrales lointaines. Et lorsque nous essayons de protester, nous découvrons que nous n’avons pas de voix », regrette Macky Sall.

Réforme en profondeur des institutions financières internationales

Pour celui qui fut Président de l’Union Africaine de février 2022 à février 2023, la pandémie de la COVID-19 et la crise économique qui en a découlait ont mis à nu les failles du système financier international, conduisant les Nations Unies et le Fonds Monétaire International (FMI) à appeler à une réforme en profondeur des institutions financières internationales.

« Quatre ans plus tard, alors que le COVID est sous contrôle et qu’une reprise économique mondiale fragile est en cours, le zèle réformateur risque de s’estomper à mesure que le sentiment d’urgence s’estompe. Mais pour la plupart d’entre nous dans le monde en développement, ces efforts ont été insuffisants. Les multiples crises auxquelles nous sommes confrontés n’ont pas disparu », avertit Macky Sall.

Il fait remarquer à juste titre qu’au cours des trois dernières années, dix pays en développement ont connu 18 défaillances souveraines (c’est lorsqu’un Etat est en situation de défaut de paiement, NDLR), soit plus que toutes les défaillances de dettes des deux décennies précédentes réunies.

« Selon la Banque mondiale, 60 % des pays à faible revenu présentent un risque élevé de surendettement ou y sont déjà confrontés.

L’Envoyé Spécial du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète de pointer ensuite du doigt les inégalités mondiales qui continuent de se creuser :« Selon la Banque mondiale, 60 % des pays à faible revenu présentent un risque élevé de surendettement ou y sont déjà confrontés. Les paiements d’intérêts de ces pays ont quadruplé au cours des dix dernières années, alors que les taux d’intérêt mondiaux ont grimpé en flèche ».

Le remboursement de la dette au détriment de l’éducation, de la santé…

Cet état de fait cause de graves conséquences, selon Macky Sall, qui tire la sonnette d’alarme en faisant remarquer que « pour honorer le remboursement de leur dette, les pays à faible revenu réduisent leurs dépenses en matière d’éducation, de santé et d’autres services publics. Ce faisant, ils sacrifient également leur droit à un avenir meilleur ».

Dans sa tribune, Macky Sall souligne que l’Afrique paie aujourd’hui davantage en service de la dette qu’elle n’a besoin d’investir dans la résilience climatique, estimée à 50 milliards de dollars par an.

Insistant sur les inégalités qui se creusent de plus en plus entre les pays riches et les pays pauvres, l’ancien Président du Sénégal a appelé à rendre le système financier international plus équitable, plus sensible aux besoins réels des pays en développement et plus représentatif de la communauté mondiale. 

« L’année dernière à Paris, lors d’un sommet mondial convoqué par le président français Emmanuel Macron, 32 pays, dont le Sénégal, se sont mis d’accord sur le Pacte de Paris pour les peuples et la planète (P4).  Nos objectifs sont clairs : créer un monde où la pauvreté a été éradiquée et la planète préservée, et où les pays vulnérables sont mieux armés pour faire face aux crises. Pour ce faire, nous visons à mobiliser toutes les sources de financement, et c’est pourquoi la réforme du système financier international est une priorité », dixit Macky Sall. 

« Les pays africains paient leurs emprunts quatre fois plus que les États-Unis et huit fois plus que les économies européennes les plus riches.

L’Envoyé Spécial du Pacte de Paris appelle à un « multilatéralisme inclusif » afin de fédérer le plus grand nombre de pays possible, de tous les continents et de tous les niveaux de revenus, en surmontant les divisions – Est contre Ouest, Nord contre Sud, verts contre pollueurs – qui ont gâché les initiatives dans le passé. 

Saluant le fait que la campagne pour une plus grande participation des pays en développement à la gouvernance des institutions financières internationales ait trouvé un écho favorable auprès du FMI notamment qui a décidé d’élargir son Conseil d’Administration à un troisième représentant de l’Afrique sur ses 25 membres, Macky Sall encourage les gouvernements à « exiger des critères objectifs, transparents et mesurables pour l’évaluation du risque souverain par les agences de notation ».

Des emprunts payés très chers

« Les recherches menées par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) montrent que ces agences attribuent systématiquement des notes de risque plus élevées aux pays pauvres, sans tenir compte des réalités économiques sur le terrain. Cela a conduit à une situation où, en moyenne, les pays africains paient leurs emprunts quatre fois plus que les États-Unis et huit fois plus que les économies européennes les plus riches », dénonce-t-il. Et d’insister : « Notre accès au financement du développement et du climat dépend de la fin de cette discrimination financière ».

Macky Sall a également invité d’autres pays à rejoindre le Pacte de Paris afin de réécrire les règles de la finance mondiale, donner aux pays en développement un plus grand poids dans les institutions financières internationales et de mobiliser des fonds pour une croissance durable.